"Recrutement et marketing local sont les principales compétences du franchisé"

Le modèle entrepreneurial de la franchise est relativement peu connu en Suisse. Marc Haesler, directeur de l’association de franchiseurs Swiss Distribution en Suisse romande, apporte quelques éclaircissements au sujet de cette forme d’entreprise.

En 1976, la première franchise de Suisse, arborant l’enseigne d’une grande chaîne de restauration rapide, ouvrait à Genève. Quarante ans plus tard, en 2016, une étude publiée par la Fédération suisse de la franchise et l’Union suisse des arts et métiers (USAM) estimait à 295 le nombre de réseaux de franchises répartis sur le territoire suisse, dont près des deux tiers apparus après 2000. Depuis presque 20 ans, Marc Haesler, avocat spécialiste du droit des affaires, accompagne et conseille les franchiseurs et franchisés de Suisse romande.

Le modèle entrepreneurial de la franchise est en retard en Suisse en comparaison avec des pays comme la France, l’Allemagne et les États-Unis. À quoi est-ce dû selon vous?

Marc Haesler: Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il y a l’exigüité du territoire. Les marques utilisent volontiers le modèle de la franchise pour se développer rapidement sur de grands espaces comme les États-Unis. En outre, ce petit territoire est divisé en trois régions linguistiques, ce qui rend l’implantation encore plus complexe. Certains franchiseurs bien installés en Suisse romande, par exemple, sont plutôt réticents à se développer côté alémanique, car cela implique de traduire toute leur documentation en allemand et de trouver des franchisés qui maîtrisent le français ou d'avoir dans ses rangs des responsables capables de communiquer en allemand. Ensuite, il est beaucoup plus difficile de trouver des financements en Suisse. La franchise étant moins connue, les banques ne sont pas aussi bien préparées à investir dans des entreprises suivant ce modèle. Heureusement, les choses évoluent.

Quels sont les règles d’or à observer avant de se lancer en tant que franchisé?

Haesler: D’abord, il faut se renseigner consciencieusement sur le marché dans lequel le franchiseur opère déjà, surtout s’il se trouve à l’étranger. Un modèle d’affaire qui fonctionne dans un pays voisin ne fonctionnera pas forcément en Suisse. Par exemple, le low-cost peut facilement se développer dans des pays où les salaires et les coûts d’exploitation sont plus modestes, mais constitue un pari très risqué sur le marché suisse. En outre, il faut s’intéresser de près à l’appui donné par le franchiseur, qui doit, en principe, fournir le matériel de base, assurer la transmission du savoir-faire en formant le franchisé, l’assister dans la mise en œuvre et se charger des activités de marketing. À ce titre, le franchiseur perçoit un droit d’entrée et, dans la plupart des cas, une redevance versée périodiquement par les franchises. Malheureusement, il existe un risque que le franchiseur signe un grand nombre de contrats pour bénéficier de rentrées d’argent, sans apporter le soutien nécessaire aux franchisés.

Lorsqu’on investit d’importantes sommes d’argent pour se lancer dans l’entreprenariat, c’est aussi pour être indépendant. Est-ce que le modèle de la franchise est compatible avec cet objectif?

Haesler: Il faut bien admettre qu’il y a une certaine restriction, car le franchiseur veut garantir l’uniformité de son réseau. Le franchisé doit se conformer à certaines pratiques, à l’interdiction de commercialiser certains produits ou services et à l’obligation d’en commercialiser d’autres. Toutefois, le franchisé y trouve aussi son compte, car en intégrant un réseau déjà bien établi, il est statistiquement beaucoup moins exposé au risque de faillite. Par ailleurs, il dispose d’une certaine marge de manœuvre et la possibilité d’apporter de petites spécifications. Dans la distribution, par exemple, un franchisé peut commercialiser des produits locaux pour rendre l’enseigne plus attractive aux yeux du consommateur local.

Comment le franchisé peut-il exploiter au mieux cette marge de manœuvre?

Haesler: Les principales compétences du franchisé sont le recrutement et le marketing local. C’est à lui qu’il incombe de développer la marque sur le terrain. Il devrait donc accorder une attention toute particulière aux ressources humaines, en assurant l’organisation des postes et le recrutement des meilleurs candidats.

En outre, le marketing local est de sa responsabilité, même si, dans le cas d’une marque déjà bien implantée, les campagnes marketing à plus grande échelle seront du ressort du franchiseur. À son échelle, le franchisé est libre d’utiliser ses propres moyens pour s’assurer une visibilité. Cela passe, par exemple, par des campagnes de publicité locales ou du sponsoring d’événements locaux.

Enfin, il joue un rôle très important dans la stratégie commerciale du franchiseur. Il devra constater quels produits ou services se vendent le mieux, à l’inverse, ceux qui devraient être retirés, adaptés ou remplacés.

À quels secteurs d’activité le modèle de la franchise se prête-t-il le mieux?

Haesler: Traditionnellement, les trois secteurs où l’on trouve les plus de franchises sont la "distribution et le commerce", la "décoration et l’habitat" et "la beauté et de la santé", mais ce ne sont pas les seuls qui ont du potentiel. Le modèle rencontre aussi un franc succès dans le secteur des services. Aujourd’hui, presque tous les courtiers immobiliers, ainsi que des entreprises de coaching ou des écoles de langues opèrent sous cette forme.

Aujourd’hui, il est nécessaire de se faire une place dans le commerce en ligne. Le modèle de la franchise répond-il à ce besoin?

Haesler: En général, le franchiseur dispose d’un site internet qui héberge toutes les fonctionnalités nécessaires à l’activité, par exemple, une boutique en ligne ou un système permettant de réserver une prestation. À partir de là, il existe deux options: soit le franchisé développe son propre site internet, qui doit être conforme à l’image de marque du réseau du franchiseur, mais qui peut être adapté dans une certaine mesure, soit le site du franchiseur consacre une rubrique à ses franchises.


Informations

Biographie

Marc Haesler, spécialiste de la franchise

Avocat de formation, Marc Haesler a effectué une grande partie de sa carrière à Zurich, où sa fonction l’a amené à accompagner l’implantation en Suisse de sociétés étrangères, notamment par le biais de réseaux de franchises. Il prend en 2004 la direction romande de la Fédération suisse de la franchise (devenue depuis Swiss Distribution), une association regroupant des franchiseurs et des consultants bénévoles.

Dernière modification 06.07.2022

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