"Il faut rester calme et laisser le client vider son sac"

Les griefs d’un client mécontent peuvent déstabiliser. Pour éviter que la situation ne s’envenime, écouter attentivement et choisir les bons mots se révèle souvent efficace. 

Dans la presse alémanique, les porte-parole de grandes enseignes bancaires et de la distribution s’inquiètent: aux guichets et aux caisses, les employés seraient de plus en plus nombreux à se voir confrontés à des clients insultants. Sans qu’il soit forcément question d’agressivité, la gestion d’une clientèle mécontente concerne l’ensemble des entreprises. De nombreux outils existent pour éviter que la situation ne tourne au vinaigre. Selon Christophe Béguin, un client en colère peut même devenir un client très fidèle s’il reçoit un retour professionnel et efficace. Le formateur en entreprise lausannois livre ses conseils. 

Quel est le premier réflexe à adopter face à un client fâché?

Christophe Béguin: Il faut tout d’abord prendre conscience qu’une réclamation, qu’elle soit agressive ou non, découle d’un besoin qui n’a pas été assouvi ou d’une prestation qui ne correspond pas aux attentes. Le client se fâche car il se retrouve démuni. Face à une situation de ce type, il faut avant tout rester calme, écouter attentivement et laisser la personne vider son sac. L’interrompre avec un «oui, mais», par exemple, ajoutera de l’huile sur le feu. En même temps, il ne faut pas rester passif. Si cela est possible, prendre des notes représente une bonne stratégie. 

Quel est l’enjeu principal de ce premier contact?

Béguin: Souvent, un client mécontent s’éparpille et évoque beaucoup de choses qui ne sont pas pertinentes. Prenons un exemple: une personne qui organise un séminaire dans un hôtel se présente à la réception car le beamer ne marche pas dans la salle qu’il a louée. Il évoquera certainement pêle-mêle son intervenant VIP, le prix de la location ou encore l’attente des participants. Mais le problème, c’est le beamer. L’enjeu consiste à dégager ce qui est le plus important dans le flux des informations. Il faut adopter une écoute active. Affronter un client mécontent est stressant. On a alors tendance à réfléchir à ce que l’on doit répondre plutôt que d’écouter. 

Quelle est la meilleure manière de répondre au client?

Béguin: Je conseille de commencer par le remercier pour sa réclamation. Par exemple: «Je vous remercie, Monsieur, d'être venu m'informer de cette situation. Je vais voir avec vous quelles sont les solutions possibles.» Cela provoque un étonnement qui permet de calmer une éventuelle agressivité. Il convient ensuite de montrer que l’on a compris la situation en énonçant les faits de manière objective, puis de résoudre le problème. Parfois, cela peut être fait rapidement. Mais dans certains cas, il n’est pas possible de répondre immédiatement à la demande, pour des questions de temps ou de sécurité, par exemple. Il faut alors proposer une solution alternative. Lorsqu’un employé n’a pas directement ce pouvoir, il doit montrer que la demande est bien prise en compte. Je recommande ici d’utiliser le «je» plutôt que le «on». «Je vais informer la personne responsable et je vais veiller à ce qu’elle vous contacte rapidement» est beaucoup plus indiqué que «on va voir ce qu’on peut faire». Un client mécontent peut devenir un client satisfait et très fidèle s’il a le sentiment que l’équipe a fait preuve de professionnalisme, qu’il a reçu l’écoute et l’aide dont il avait besoin et qu’il a pu choisir parmi de bonnes propositions. 

Y a-t-il des phrases à éviter?

Béguin: «Ce n’est pas de ma faute» et «vous vous trompez» sont à bannir. Mais parfois, une simple reformulation suffit pour présenter la situation sous un jour plus positif et montrer que l’on est impliqué. «Je ne sais pas» peut ainsi facilement être transformé en «je me renseigne».   

Quelles sont les spécificités des réclamations par téléphone?

Béguin: Par téléphone, tout est exacerbé. Dans la mesure où le contact visuel est absent, le choix des mots est d’autant plus important. Il faut aussi être particulièrement vigilant concernant le bruit ambiant. Si deux collègues rient à côté de la personne qui prend la réclamation, le client aura l’impression qu’on se moque de lui. Il faut savoir que certaines personnes se lâchent beaucoup plus facilement par téléphone et que les insultes sont plus fréquentes. 

Et celles des interactions en face à face?

Béguin: La bonne attitude passe aussi par le physique. Il faut rester ancré sur ses deux pieds, bien en face de son interlocuteur. L’enjeu consiste à montrer à la personne qu’elle parle à quelqu’un de stable qui est là pour elle. La gestuelle constitue une part très importante de la communication, aussi lors de la gestion des réclamations. 

Comment réagir si la situation dégénère?

Béguin: Rien ne justifie de se faire insulter. Il faut tout de suite verbaliser ce dérapage et transmettre le dossier à quelqu’un d’autre, idéalement un supérieur hiérarchique. Si aucun manager n’est disponible, c’est un collègue qui doit prendre le relai. Dans 99% des cas, cela fait retomber la pression. Si, malgré tout, les insultes se poursuivent, au téléphone, il convient de mettre un terme à la conversation, en informant la personne que l’on va raccrocher. En face à face, il faut adopter la technique du disque rayé: répéter calmement et autant de fois que nécessaire qu’il est impossible d’accéder à la requête et la raison pour laquelle cela est impossible, sans explication supplémentaire. La personne finira par se décourager et, probablement, par partir. Si cela ne se produit pas, il me semble justifié de lui demander de quitter les lieux.


Informations

Biographie

Portrait de Christophe Béguin, formateur en entreprise.

Christophe Béguin a fondé en 2009 la société AskFor, qui propose des formations continues en entreprise basées sur une méthodologie issue du théâtre. Il a débuté son parcours professionnel dans le monde de l’hôtellerie, avant de continuer dans celui des télécommunications. En 2005, il a obtenu sa certification de formateur d’adultes, puis suivi des cours de théâtre en Suisse et à Paris. Il est membre de la troupe «Les Improbables».

Dernière modification 04.04.2018

Début de la page

https://www.kmu.admin.ch/content/kmu/fr/home/actuel/interviews/2018/il-faut-rester-calme-et-laisser-le-client-vider-son-sac.html